CHARL°TTE  MARCHAND
Paintings & Drawings Nancy Suárez, février 2014.  La première fois que j’ai vu le travail de Charlotte Marchand, c’était en reproduction ; une bataille de couleurs, de figures enfantines, de formes abstraites, éclatées et indomptables. Puis j’ai vu une œuvre, accrochée au mur du nouvel appartement d’une amie, j’éprouvais à nouveau cette sensation d’éclatement et cette fois avec un sentiment de contrôle dans la mise en place des nombreux éléments qui la composaient.   Je n’avais jusque-là découvert que les peintures de l’artiste. Plus tard, j’allais constater que ses dessins sont aussi des œuvres hybrides répondant au même processus de création à la fois impulsif et maîtrisé. Intimement liées, les deux techniques convoquent des thèmes et des motifs semblables.   Si les peintures deviennent plus abstraites, les dessins de Charlotte Marchand approchent davantage la narration en déployant un univers onirique nourri de personnages entourés d’objets, de traits et de formes. Le papier y conserve une place particulière, par la présence affirmée de sa texture, son grain et son blanc. Contrairement au recouvrement opéré progressivement sur les toiles, le blanc du papier reste toujours présent dans ses dessins.    Une part importante de la pratique artistique de Charlotte Marchand se cache aussi dans ses carnets. Comme des livrets intimes, ils se remplissent d’annotations, de dessins griffonnés rapidement, d’idées récoltées sur le vif ou recopiées de mémoire, au gré de son humeur et de ses déambulations. Contrairement à la tradition classique, ces pages ne renferment pas les esquisses des travaux. Leurs contenus ont une vie propre et ils deviennent parfois des morceaux intégrés à part entière sur la toile ou le papier.   Par un processus de récupération – intégration, Charlotte Marchand puise ses sources partout autour d’elle. Son quotidien fourmille de signes qu’elle transforme en outils de sa dynamique de travail : morceaux de papiers peints modernes et vintages, contours d’objets, de grilles, de motifs, collages de bas nylons, de mousselines, de dentelles, tissus tendus ou déchirés, pochoirs en tous genres, empreintes, formes à détourer pour enfants, lattes tordues et lattes à trous en forme de Mickey ou de dinosaures. On trouve même l’intégration directe de dessins de ses propres enfants ou de ceux rencontrés lors d’ateliers pédagogiques.   A travers différentes manipulations, ces éléments hétéroclites évoluent vers des formes abstraites ou figuratives. Puis, elle les mélange à des coups de peinture, des coulées, des raclures dans une facture tantôt propre tantôt sale. Avec une spontanéité contrôlée, l’artiste fait cohabiter l’ordre et le chaos, des traits léchés et des coulures dégoulinantes.   Même si Charlotte Marchand avoue faire des fréquents allers-retours entre peinture et dessin, elle aime résolument la peinture. Ses toiles débordent d’éléments qui s’assemblent dans une explosion de couleurs et de formes intelligemment orchestrées. Ce médium a toujours suscité en elle un attrait irrépressible. Elle aime l’immédiateté qu’offre la peinture. Elle aime la couleur, la matière et elle affectionne aussi la planéité du support, travaillé au mur et au sol.   Au fil des années, ses tableaux sont devenus moins surchargés, plus construits et moins figuratifs. Des formes géométriques et architecturales sont apparues et le fond blanc de la toile, dont elle laissait autrefois des parties apparentes, se voit parfois entièrement recouvert de couleurs.  Charlotte Marchand a progressivement affirmé son vocabulaire pictural, qui place sa démarche dans une gestuelle expressionniste qu’elle se réapproprie en y mêlant une réalité quotidienne notamment par la récupération d’objets. Si elle ne tient pas à regarder en arrière pour se positionner dans l’Histoire de la peinture, les associations stylistiques que l’on peut déceler sont multiples et son travail continue d’être influencé par de nombreuses références. De la culture pop, en passant par la BD et les mangas, Charlotte Marchand reste ancrée dans un quotidien trivial du temps présent.
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la Libre Belgique

Claude lorent, mars 2014.

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